La Cheffe de choeur Anaël Ben Soussan raconte ce qui l’a amenée à faire ce métier.
« J’ai 14 ans et je joue du piano depuis de nombreuses années. Depuis quelques temps, quand je m’installe pour travailler une partition, un grand sentiment de solitude m’envahit. Toutes ces notes obscures en clé de sol et clé de fa me découragent. Combien d’heures va-t-il me falloir passer seule à répéter des passages en boucle pour transformer ce charabia en musique expressive ? Pourquoi ne pas passer plutôt ce temps à jouer avec mes ami·e·s ? Un jour, je me décide à en parler à mes parents. Ils m’écoutent avec attention et me proposent une idée : Si j’essayais de chanter dans une chorale ?
Quelques jours plus tard, je suis devant la salle où je vais participer à ma première répétition. Une vingtaine de jeunes sont déjà là, le chef me donne les partitions que nous allons chanter. Un peu intimidée, je m’installe avec des altos qui me font signe de me joindre à elles.
La répétition commence et je me concentre sur les indications du chef. Portée par le groupe, j’oublie mon stress et mes pensées du quotidien. J’ai l’impression que nos individualités s’effacent au profit de quelque chose de plus grand : de la musique qui vit. Je ressens tout un flot de sensations les unes après les autres : tel crescendo me donne des frissons, telle harmonie me serre le ventre, tel accord m’apaise. Une soliste au timbre incroyable émerge du choeur : quelle sensibilité dans sa voix ! A peine remise de cette émotion, je reçois un flot de vibrations de la tête aux pieds : le choeur a repris à 4 voix !
Les deux heures sont passées comme un éclair. Les jeunes discutent entre eux, se serrent dans leurs bras pour se dire au revoir, comme si ces moments partagés ensemble chaque semaine créaient entre elles·ux une amitié intime et profonde. Je me sens tellement joyeuse que j’ai du mal à canaliser toute cette énergie : j’ai envie de sauter dans tous les sens et de crier au monde entier de nous rejoindre pour partager ces moments avec nous ! A partir de ce jour-là, ma décision est prise : j’arrête le piano pour chanter à la place !
Quelques années plus tard, au moment de choisir ma voie professionnelle, le chant en chœur s’impose comme une évidence. Et si je pouvais moi aussi transmettre ce bonheur à des personnes en leur permettant de vivre cette expérience ?
Depuis dix ans, je dirige des choeurs, des ateliers et je chante moi-même au sein d’ensembles vocaux. Je continue à rechercher continuellement ces moments qui nous connectent les un·es aux autres à travers la musique. Selon notre environnement, nous n’avons pas toujours l’occasion de cultiver ces choses simples comme ressentir et exprimer des émotions ou nous sentir profondément vivant·es et en lien avec les autres. Tant que des gens ressentiront ce besoin, le métier de cheffe de choeur et de chanteuse aura du sens pour moi. »